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la diriger, au besoin, la justice. Alors, c’est la prison, c’est l’échafaud. L’échafaud, mon vieux… Hein ? L’aube glaciale… Le couperet…

C’était fini. Essarès s’enfonçait dans les ténèbres. Les choses tourbillonnaient autour de lui. La volonté de don Luis le pénétrait et l’anéantissait.

Un moment, il se tourna vers Patrice et tenta de l’implorer.

Mais Patrice persistait dans son attitude impassible. Les bras croisés, il regardait sans pitié l’assassin de son père. Le châtiment était mérité. Il n’y avait qu’à laisser faire le destin. Patrice Belval ne s’interposa pas.

— Allons, vas-y… Ce n’est rien, et c’est le grand repos ! Comme c’est bon déjà ! Oublier !… Ne plus lutter !… Pense à ton or que tu as perdu… Trois cents millions à l’eau… Et Coralie perdue aussi. La mère comme la fille, tu n’auras eu ni l’une ni l’autre. En ce cas, la vie n’est qu’une duperie. Autant s’évader. Allons, un petit effort, un petit geste…

Ce petit geste, le bandit l’accomplit. Inconsciemment, il pressa sur la détente. Le coup partit. Et il s’effondra en avant, à genoux sur le parquet.

Don Luis avait dû faire un saut de côté pour n’être pas éclaboussé par le sang qui gicla de la tête fracassée. Il prononça :

— Bigre ! du sang de cette fripouille, ça m’aurait porté malheur. Mais, mon Dieu, quelle fripouille ! Je crois décidément que j’ai fait une bonne action de plus dans ma vie, et que ce suicide me donne droit à une place au Paradis. Oh ! je ne suis pas exigeant… un modeste strapontin dans l’ombre. Mais j’y ai droit. Qu’en dis-tu, mon capitaine ?