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bats sont ouverts. Personne ne prend la parole pour défendre le sieur Essarès bey ? Personne. Le sieur Essarès bey est condamné à mort. Pas de circonstances atténuantes. Pas de pourvoi en cassation. Pas de recours en grâce. Pas de sursis. L’exécution immédiate. Adjugé !

Il frappa sur l’épaule de l’homme et lui dit :

— Tu vois, ça ne traîne pas. À l’unanimité, hein ! voilà un verdict satisfaisant, et qui met tout le monde de bonne humeur. Reste à trouver le genre de mort ? Ton avis ? Un coup de revolver ? Entendu. C’est propre et rapide. Capitaine Belval, à vous la capsule. Le carton est à sa place et voici l’arme.

Patrice n’avait pas bougé. Il contemplait l’immonde individu qui lui avait fait tant de mal. Une haine formidable bouillonnait en lui. Pourtant, il répondit :

— Je ne tuerai pas cet homme.

— Vous avez raison, approuva don Luis. Tout compte fait, vous avez raison et vos scrupules vous honorent. Non, vous n’avez pas le droit de tuer cet homme, que vous savez être le mari de la femme que vous aimez. Ce n’est pas à vous de supprimer l’obstacle. Et puis ça vous dégoûte de tuer. Moi aussi. Cette bête-là est trop sale. Alors, mon bonhomme, il n’y a plus que toi pour nous aider à sortir de cette situation délicate.

Don Luis se tut un moment et se pencha sur Essarès. Le misérable avait-il entendu ? Vivait-il même encore ? On l’eût dit évanoui, privé de conscience.

Don Luis le secoua rudement par l’épaule.