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core vigoureux. Et il s’écria avec une violence inouïe, qui fit hésiter Patrice :

— Eh bien oui, tue-moi !… Oui, que ce soit fini !… Je suis vaincu… j’accepte la défaite. Mais c’est une victoire, puisque Coralie est morte et que mon or est sauvé !… Je meurs, mais personne ne les aura, ni l’un ni l’autre… ni celle que j’aime, ni cet or qui fut ma vie. Ah ! Patrice, Patrice, la femme que nous aimions tous deux à la folie, elle n’existe plus… ou bien elle agonise sans qu’il soit possible maintenant de la sauver. Si je ne l’ai pas, tu ne l’auras pas non plus, Patrice. Ma vengeance a fait son œuvre. Coralie est perdue ! Coralie est perdue !

Il hurlait et balbutiait à la fois, recouvrant une force sauvage. En face de lui, Patrice le dominait, prêt à l’acte, mais attendant encore, afin d’écouter les mots terribles qui le torturaient.

— Elle est perdue, Patrice, continua l’ennemi avec un redoublement de violence… Perdue ! Rien à faire ! Et tu ne retrouveras même pas son cadavre dans les entrailles de la terre où je l’ai enfouie avec les sacs d’or. Sous la dalle mortuaire ? Non, non, pas si bête ! Non, Patrice, tu ne la retrouveras jamais. L’or l’étouffe. Elle est morte ! Coralie est morte ! Ah ! quelle volupté, de te jeter ça à la face ! Comme tu dois souffrir, Patrice ! Coralie est morte ! Coralie est morte !

— Crie pas si fort. Tu vas la réveiller, dit don Luis Perenna avec calme.

Il avait tiré une cigarette d’une boîte en métal qui se trouvait sur le bureau et il l’allumait, à bouffées égales qui s’en allaient en tourbillons. Et il paraissait avoir dit la petite phrase comme un avertissement banal que l’on donne sans presque y songer.