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Qui prononça le nom redoutable ? Fût-ce don Luis, avec toute l’ardeur de sa certitude ? Fût-ce Patrice, avec l’hésitation et l’étonnement d’une conviction naissante ? Pourtant l’officier, dès que les quatre syllabes eurent retenti dans le silence solennel, l’officier n’eut pas un moment de doute. Pas une seconde même, il ne chercha à comprendre par quel prodige une telle révélation pouvait être l’expression toute simple de la vérité. Instantanément, il l’admit, cette vérité, comme incontestable et prouvée par les faits les plus évidents. Et il répéta à diverses reprises ce nom auquel il n’avait jamais pensé, et qui donnait l’explication à la fois la plus logique et la plus extraordinaire du problème le plus incompréhensible.

— Essarès bey… Essarès bey…

— Essarès bey, redit don Luis, Essarès bey, l’homme qui a tué ton père, et qui l’a tué, pourrait-on dire, deux fois, jadis dans le pavillon, lui enlevant tout bonheur et toute raison de vivre et il y a quelques jours dans la bibliothèque, alors qu’Armand Belval, ton père, était en train de te téléphoner, Essarès bey, l’homme qui a tué la mère de Coralie et qui a enseveli Coralie dans une tombe introuvable.

Cette fois le meurtre fut décidé. Les yeux de l’officier exprimèrent une résolution indomptable. Il fallait que l’assassin de son père, que l’assassin de Coralie mourût sur-le-champ. Le devoir était clair et précis. L’épouvantable Essarès devait mourir par la main même du fils et du fiancé.

— Fais ta prière, dit-il froidement. Dans dix secondes, tu seras mort.

Il les compta, ces secondes, et à la dixième il allait tirer, lorsque l’ennemi eut un sursaut d’énergie folle, qui prouvait que, sous l’apparence du vieux Siméon, il y avait bien un homme encore jeune et en-