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l’admets maintenant, mais qui n’est pas non plus Siméon Diodokis, bien qu’il ait pris l’apparence, le signalement, l’identité, la vie elle-même de Siméon Diodokis.

»  Commences-tu à comprendre ? Dois-je te répéter ma phrase de tout à l’heure : « Nous n’avons pas été, au cours de cette lutte, en face de deux criminels. Il n’y a pas eu Essarès pour commencer la besogne infernale, et celui qui s’est fait appeler le vieux Siméon pour l’achever. » Il n’y a eu, il n’y a qu’un criminel, toujours vivant, depuis le début, toujours agissant, supprimant ceux qui le gênent, et au besoin se revêtant de leur personnalité, et poursuivant sous leur apparence l’œuvre maudite… Comprends-tu ? Dois-je te nommer celui qui fut l’âme même de cette affaire colossale, celui qui monta l’intrigue, et qui la fit évoluer vers un but favorable, malgré tous les obstacles et malgré la guerre acharnée que ses complices lui déclarèrent ? Remonte plus haut que ce que tu as vu de tes propres yeux, Patrice.

»  N’interroge pas seulement tes souvenirs, même ceux du premier jour. Interroge les souvenirs des autres, et tout ce que Coralie t’a raconté du passé. Quel est l’unique persécuteur, l’unique bandit, l’unique assassin, l’unique génie de tout le mal qui fut fait à ton père et à la mère de Coralie, à Coralie, au colonel Fakhi, à Grégoire, à Ya-Bon, à Vacherot, à tous, Patrice, à tous ceux qui furent mêlés à la tragique aventure ? Allons, allons, je sens que tu devines presque. Si la vérité ne t’apparaît pas encore, son fantôme invisible rôde autour de toi. Le nom de cet homme germe en ton cerveau. Son âme hideuse se dégage des ténèbres, sa véritable personnalité prend corps, son masque tombe. Et tu as devant toi le criminel lui-même, c’est-à-dire…