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— Oh ! fit Patrice, ce n’est donc pas mon père ?

— Non, non, s’écria don Luis, avec une conviction irrésistible et une ardeur croissante. Non, mille fois non ! Mais, observe-le ! Vois cette tête de chenapan ! Tous les crimes et tous les vices sont inscrits sur ce visage de brute. Dans cette aventure, depuis le premier jour jusqu’au dernier, il n’y a pas un forfait qui ne soit son œuvre… pas un, tu entends. Nous n’avons pas été en face de deux criminels comme on l’a cru, il n’y a pas eu Essarès pour commencer la besogne infernale, et le vieux Siméon pour l’achever. Il n’y a qu’un criminel, un seul, comprends-tu, Patrice ? Le même bandit qui, devant nous, pour ainsi dire, tuait Ya-Bon, tuait le concierge Vacherot, tuait sa propre complice, le même bandit avait commencé sa besogne sinistre bien auparavant, et tuait déjà ceux qui le gênaient. Et parmi ceux-ci, il en a tué un que tu connaissais, Patrice, il en a tué un dont tu n’es que la chair et le sang.

— Qui ? De qui parlez-vous ? demanda Patrice avec égarement.

— De celui dont tu entendais, par le téléphone, les cris d’agonie ; de celui qui t’appelait Patrice et qui ne vivait que pour toi : Il l’a tué, celui-là ! Et celui-là, c’était ton père, Patrice ! C’était Armand Belval ! Comprends-tu, maintenant ?

Patrice ne comprenait pas. Les paroles de don Luis tombaient dans les ténèbres, sans qu’aucune d’elles fît jaillir la moindre lumière. Pourtant, une chose formidable s’imposait à son esprit, et il balbutia :

— J’ai entendu la voix de mon père… C’est donc lui qui m’appelait ?

— C’était ton père, Patrice.

— Et l’homme qui le tuait ?…

— C’était celui-ci, fit don Luis en désignant le vieillard.

Siméon demeurait immobile, les yeux ha-