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— Arsène Lupin, répéta Siméon pétrifié… Arsène Lupin… Je suis perdu…

— Jusqu’à la gauche, vieillard stupide. Et faut-il que tu sois stupide ! Comment ! tu me connais de réputation, tu ressens vis-à-vis de moi la frousse intense et salutaire qu’un honnête homme de mon envergure doit inspirer à une vieille fripouille comme toi, tu t’es imaginé que je serais assez bête pour me laisser coffrer dans ta boîte à gaz.

Lupin allait et venait, en comédien habile qui a une tirade à débiter, qui la ponctue aux bons endroits, qui se réjouit de l’effet produit, et qui s’écoute parler avec une certaine complaisance. On sentait que, pour rien au monde, il n’eût donné sa place et abandonné son rôle.

Il poursuivit :

— Remarque bien qu’à ce moment-là, j’aurais pu te prendre par la peau du cou et jouer tout de suite avec toi la grande scène du cinquième acte que nous sommes en train de jouer. Seulement, voilà, mon cinquième acte était un peu court, et je suis un homme de théâtre, moi ! Tandis que, de la sorte, comme l’intérêt rebondit ! Et comme c’était amusant de voir l’idée germer dans ta caboche de sous-boche ! Et combien rigolo d’aller dans l’atelier, d’attacher ma lampe électrique au bout d’une ficelle, de faire croire ainsi à ce bon Patrice que j’étais là, de sortir, et d’entendre Patrice me renier par trois fois et mettre soigneusement en prison, quoi ? ma lampe électrique !

»  Tout ça, c’était du bon ouvrage, qu’en dis-tu ?… N’est-ce pas ? je te sens béant d’admiration… Et, dix minutes plus tard,