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vante, et tout bas, de plus en plus courbé sur le docteur, il dit en frissonnant :

— Un seul homme… un seul homme était capable de deviner…

Un long silence encore. Puis le docteur ricana :

— Je crois, en effet, qu’un seul homme en était capable. Mettons donc que je sois ce seul homme.

— Un seul, continua l’autre, auquel la respiration semblait manquer à nouveau… un seul aussi pouvait trouver la cachette des quatre millions, comme vous l’avez trouvée, en quelques secondes…

Le docteur ne répondit pas. Il souriait et sa figure se décontractait peu à peu.

On eût dit que Siméon n’osait pas prononcer le nom redoutable qui lui montait aux lèvres. Il courbait la tête. Il était comme l’esclave devant le maître. Quelque chose de formidable, dont il avait déjà senti le poids au cours de la lutte, l’écrasait. L’homme qu’il avait en face de lui prenait, dans son esprit, des proportions de géant qui pouvait, d’un mot, le supprimer, d’un geste l’anéantir. Et un seul homme avait cette taille hors des mesures humaines.

À la fin, il murmura avec une terreur indicible :

— Arsène Lupin… Arsène Lupin…

— Tu l’as dit, bouffi, s’écria le docteur en se levant.

Il laissa tomber son monocle. Il sortit de sa poche une petite boîte qui contenait de la pommade, se barbouilla le visage avec cette pommade, se lava dans une cuvette d’eau que renfermait un placard, et reparut, le teint clair, la face souriante et narquoise, l’allure désinvolte.