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rai, tout ce qui se trouvera dans mon appartement, je te le lègue. » Son appartement, à la minute de sa mort, c’était la péniche en question. Lui ferai-je l’injure de ne pas obéir à une volonté aussi sacrée ?

Le vieux Siméon n’écoutait pas. Une idée infernale s’éveillait en lui, et il se dressait vers le docteur dans un geste d’attention éperdue.

Le docteur lui dit :

— Nous gaspillons un temps précieux, cher monsieur, que décidez-vous ?

Il jouait avec la feuille où il avait inscrit les renseignements nécessaires au passeport. Siméon s’avança vers lui sans un mot. À la fin le vieillard chuchota :

— Cette feuille, donnez-la moi… Je veux voir comment vous avez établi mon passeport… et sous quel nom…

Il arracha le papier, le parcourut des yeux et, soudain, bondit en arrière.

— Quel nom avez-vous mis ? Quel nom avez-vous mis ? De quel droit me donnez-vous ce nom ? Pourquoi ? Pourquoi ?

— Mais vous m’avez dit d’inscrire un nom à mon gré.

— Mais celui-ci ? celui-ci ?… Pourquoi avez-vous inscrit celui-ci ?

— Ma foi, je ne sais pas… Une idée comme une autre. Je ne pouvais pas mettre Siméon Diodokis, n’est-ce pas, puisque vous ne vous appelez pas ainsi… Je ne pouvais pas mettre non plus Armand Belval, puisque vous ne vous appelez pas ainsi non plus. Alors, j’ai mis ce nom-là.

— Mais pourquoi ce nom-là justement ?

— Dame, parce que c’est votre nom véritable.

Le vieillard eut un mouvement d’épou-