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— Hein ?

Siméon avait sursauté.

— Crebleu ! vous n’y allez pas de main morte. Un pareil chiffre !

Géradec répondit calmement :

— Qui vous oblige à l’accepter ? Nous débattons un marché. Vous êtes libre.

— Enfin, quoi, du moment que vous acceptez de m’établir un faux passeport, que vous importe de connaître mon nom ?

— Il m’importe beaucoup. Je risque infiniment plus en faisant évader — car c’est une évasion, — en faisant évader un espion qu’un honnête homme.

— Je ne suis pas un espion.

— Qu’en sais-je ? Comment ! Vous venez chez moi me proposer une vilaine chose. Vous cachez votre nom, votre personnalité, et vous avez tellement hâte de disparaître que vous êtes prêt à payer cent mille francs. Et, malgré tout, vous avez la prétention de vous faire passer pour un honnête homme. Réfléchissez. C’est absurde. Un honnête homme n’agit pas comme un cambrioleur… ou comme un assassin.

Le vieux Siméon ne broncha pas. Après un instant, il s’essuya le front avec son mouchoir. Évidemment, il pensait que Géradec était un rude jouteur et qu’il eût peut-être mieux valu ne pas s’adresser à lui. Mais, après tout, le pacte était conditionnel. Il serait toujours temps de rompre.

— Oh ! oh ! fit-il en essayant de rire, vous avez de ces mots !

— Des mots seulement, dit le docteur. Je n’avance aucune hypothèse. Je me contente de résumer la situation et de justifier mes prétentions.