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Patrice le porta presque, tandis que Siméon bégayait, à bout de forces :

— Par ici… Tout droit maintenant…

Ils passèrent à l’angle du pavillon et se dirigèrent du côté des tombes.

— Tu es bien sûr d’avoir fermé la porte ? continuait le vieillard. Oui, n’est-ce pas ? j’ai entendu… Ah ! c’est qu’il est redoutable, le gaillard… il faut se méfier de lui… Mais tu m’as juré de ne rien dire, hein ? Jure-le encore, sur la mémoire de ta mère… non, mieux que cela, jure-le sur Coralie… Qu’elle expire à l’instant si tu dois trahir ton serment !

Il s’arrêta. Il n’en pouvait plus et se convulsait pour qu’un peu d’air s’insinuât jusqu’à ses poumons. Malgré tout, il reprenait :

— Je peux être tranquille, n’est-ce pas ? D’ailleurs, tu n’aimes pas l’or, toi. En ce cas, pourquoi parlerais-tu ? N’importe, jure-moi de te taire. Tiens, donne ta parole d’honneur… C’est ce qu’il y a de mieux. Ta parole, hein ?

Patrice le tenait toujours par la taille. Effroyable calvaire pour l’officier, que cette marche si lente et que cette sorte d’enlacement auquel il était contraint pour la délivrance de Coralie. Il avait plutôt envie, en sentant contre lui le corps de cet homme abhorré, de le serrer jusqu’à l’étouffement.

Et cependant une phrase ignoble se répétait au fond de lui : « Je suis son fils… Je suis son fils… »

— C’est là, dit le vieillard.

— Là ? Mais ce sont les tombes.