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moi, nous arrivions rue Raynouard, dans un pavillon.

— Je connais. Continuez.

— Il y avait là deux corps. On les enveloppa d’un suaire tous les deux, et on les étendit dans les cercueils. Puis, à onze heures, mon patron et mon camarade me laissèrent seul avec une religieuse. Il n’y avait plus qu’à clouer. Or, à ce moment, la religieuse, qui veillait et qui priait, s’endormit, et il arriva cette chose… Oh ! une chose qui me fit dresser les cheveux sur la tête, et que je n’oublierai jamais, monsieur… je ne tenais plus debout… je grelottais de peur… Monsieur, le corps de l’homme avait bougé … L’homme vivait.

Don Luis demanda :

— Vous ne saviez rien du crime alors ? Vous ignoriez l’attentat ?

— Oui, on nous avait dit qu’ils s’étaient asphyxiés tous les deux au moyen du gaz. Il fallut d’ailleurs plusieurs heures à cet homme pour reprendre tout à fait connaissance. Il était comme empoisonné.

— Mais pourquoi n’avez-vous pas prévenu la religieuse ?

— Je ne saurais dire. J’étais abasourdi. Je regardais le mort qui revivait, qui s’animait peu à peu, et qui finit par ouvrir les yeux. Sa première parole fut : « Elle est morte, n’est-ce pas ? » Et tout de suite, il me dit : « Pas un mot. Le silence là-dessus. On me croira mort, cela vaut mieux. » Et je ne sais pas pourquoi, j’ai consenti. Ce miracle m’enlevait toute volonté… J’obéissais comme un enfant…