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— Voyons, quoi ! Qu’est-ce que vous chantez là ?

— Évidemment… Rappelez-vous… C’est ce que les complices m’ont révélé, le jour où je les ai fait arrêter, sur la terrasse d’un café.

— Comment ! mais votre journal n’en souffle pas mot !

— Ah !… en effet… j’ai oublié ce détail.

— Un détail ! il appelle ça un détail. Mais c’est de la dernière importance, mon capitaine ! Si j’avais su, j’aurais deviné que ce batelier n’était autre que Grégoire, et nous ne perdions pas toute une nuit. Nom d’un chien, vous en avez de bonnes, mon capitaine !

Mais ceci ne pouvait altérer la bonne humeur de don Luis. À son tour, et tandis que Patrice, assailli de pressentiments, devenait plus sombre, à son tour, il chantait victoire.

— À la bonne heure ! La bataille prend de la gravité ! Aussi, vraiment, c’est trop commode, et voilà pourquoi j’étais maussade, moi, Lupin ! Est-ce que les choses marchent ainsi dans la réalité ? Est-ce que tout s’enchaîne avec cette rigueur ? Franklin, le canal d’or, la filière ininterrompue, les pistes qui se révèlent toutes seules, le rendez-vous à Mantes, la Belle-Hélène, non, tout cela me gênait. Trop de fleurs, madame, n’en jetez plus !

» Et puis aussi, cette fuite de l’or sur une péniche !… Bon en temps de paix, mais durant la guerre, en plein régime de sauf-conduits, de bateaux patrouilleurs, de visites, de prises… Comment se fait-il qu’un bonhomme comme Siméon risque un pareil voyage ? Non, je me méfiais, et c’est pour cela, mon capitaine, qu’à tout hasard j’ai mis Ya-Bon de faction devant le chantier Berthou. Une idée comme ça…