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exécutée à toute allure, afin de dépister un espionnage possible, on la conduisit à l’annexe du boulevard Maillot, où Patrice la remit aux mains de la surveillante et la recommanda au docteur. Défense était faite d’introduire auprès d’elle aucune personne étrangère. Elle ne devait répondre à aucune lettre, à moins qu’elle ne fût signée : « Capitaine Patrice ».

À neuf heures du soir, l’auto filait sur la route de Saint-Germain et de Mantes. Placé dans le fond, près de don Luis, Patrice éprouvait l’exaltation de la victoire et se dépensait en hypothèses qui, d’ailleurs, avaient toutes pour lui la valeur de certitudes irréfutables. Quelques doutes cependant persistaient en son esprit, des points demeuraient obscurs sur lesquels il eût été bien aise de recueillir l’opinion d’Arsène Lupin.

— Pour moi, disait-il, deux choses restent absolument incompréhensibles. D’abord, qui est-ce qui a été assassiné par Essarès, le 4 avril, à 7 h. 19 du matin ? J’ai entendu les cris d’agonie. Qui est mort ? et qu’est devenu le cadavre ?

Don Luis ne répondait toujours pas, et Patrice reprenait :

— Deuxième point, plus étrange encore, la conduite de Siméon. Comment, voilà un homme qui consacre sa vie à un seul but, venger l’assassinat de son ami Belval, et, en même temps assurer mon bonheur et celui de Coralie. Pas un fait ne dément l’unité de sa vie. On devine en lui l’obsession, la manie même. Et puis, le jour où son ennemi Essarès bey succombe, tout à coup, il fait volte-face, et nous persécute, Coralie et moi, jusqu’à ourdir et mettre à exécution cette affreuse machination qu’Essarès bey avait réussie contre nos parents !