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précisa Patrice, de plus en plus interloqué.

— J’ai reconnu le bruit du moteur au bas du jardin, quand je vous ai averti.

— Et vous êtes sûr de votre homme ?

— Certain.

— Qu’importe ! Siméon peut se faire conduire loin de Paris, donner un mauvais coup à cet homme… Et alors, quand serons-nous prévenus ?

— Si vous croyez que l’on sort de Paris et qu’on se balade sur les grandes routes sans un permis spécial !… Non, s’il quitte Paris, Siméon se fera conduire d’abord à une gare quelconque, et nous le saurons vingt minutes après. Et aussitôt, nous filons.

— Comment ?

— En auto.

— Vous avez donc un sauf-conduit, vous ?

— Oui, valable pour toute la France.

— Est-ce possible ?

— Parfaitement, et un sauf-conduit authentique encore : au nom de don Luis Perenna, signé par le ministre de l’intérieur et contresigné…

— Et contresigné ?

— Par le président de la République.

L’ahurissement de Patrice se changea tout à coup en une violente émotion. Dans l’aventure terrible où il se trouvait engagé, et où, jusque-là, subissant la volonté implacable de l’ennemi, il n’avait guère connu que la défaite et les affres d’une mort toujours menaçante, il advenait soudain qu’une volonté plus puissante surgissait en sa faveur. Et, brusquement, tout se modifiait. Le destin semblait changer de direction, comme un navire qu’un bon vent imprévu amène vers le port.

— Vraiment, mon capitaine, lui dit don Luis, on croirait que vous allez pleurer, comme maman Coralie. Vous avez les nerfs