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qu’il s’endormait, mais d’un sommeil infernal, durant lequel il souffrait, physiquement et moralement, comme doit souffrir un damné. Il était revenu au fond du trou noir d’où il faisait des efforts désespérés pour sortir, comme un homme tombé à la mer et qui chercherait à regagner la surface. Il traversait ainsi — avec quelles difficultés ! — des couches d’eau, dont le poids l’étouffait. Il devait les escalader, en s’accrochant des pieds et des mains à des choses qui glissaient, à des échelles de corde qui, n’ayant pas de points de support, s’affaissaient.

Pourtant les ténèbres devenaient moins épaisses. Un peu de jour glauque s’y mêlait. Patrice se sentait moins oppressé. Il entrouvrit les yeux, respira plusieurs fois et vit autour de lui un spectacle qui le surprit : l’embrasure d’une porte ouverte, auprès de laquelle il était couché, en plein air, sur un divan.

Sur un autre divan, à côté de lui, il aperçut Coralie, étendue. Elle remuait et semblait souffrir infiniment.

Il pensa :

— Elle remonte du trou noir… Comme moi, elle s’efforce… Ma pauvre Coralie…

Entre eux, il y avait un guéridon, et, sur ce guéridon, deux verres d’eau. Très altéré, il en prit un. Mais il n’osa l’avaler. À ce moment, quelqu’un sortit par la porte ouverte qui était, Patrice s’en rendit compte, la porte du pavillon, et ce quelqu’un, Patrice constata que ce n’était pas le vieux Siméon, comme il l’avait cru, mais un étranger qu’il n’avait jamais vu.

Il se dit :

— Je ne dors pas… Je suis sûr que je ne dors pas et que cet étranger est un ami.

Et il essayait de dire ces choses-là, à haute voix, pour que sa certitude en fût