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veut fuir. On veut échapper à ce souffle froid qui déjà vous glace la nuque. Il faut fuir, il le faut. Mais où ? Par où ? Les murailles sont infranchissables et les ténèbres plus dures encore que les murailles.

Ils s’arrêtèrent, épuisés. Un sifflement fusait de quelque part, le léger sifflement qui sort d’un bec de gaz mal fermé. Ayant écouté, ils se rendirent compte que cela venait d’en haut.

Le supplice commençait. Patrice chuchota :

— Il y en a pour une demi-heure, une heure au plus.

Elle avait repris conscience d’elle-même, et elle répondit :

— Soyons courageux, Patrice.

— Ah ! si j’étais seul ! mais toi, ma pauvre Coralie…

Elle dit à voix très basse :

— On ne souffre pas.

— Tu souffriras, toi qui es si faible !

— On souffre d’autant moins qu’on est faible. Et puis, je le sais, nous ne souffrirons pas, mon Patrice.

Elle semblait tout à coup si sereine qu’à son tour il fut empli d’une grande paix.

Ils se turent, les doigts toujours entrelacés, assis sur un large divan. Ils s’imprégnaient peu à peu du grand calme qui se dégage des événements que l’on considère pour ainsi dire comme accomplis et qui est de la résignation, de la soumission aux forces supérieures. Des natures comme les leurs ne se révoltent plus lorsque l’ordre du destin est manifeste, et qu’il n’y a plus qu’à obéir et à prier.

Elle entoura le cou de Patrice et prononça :

— Devant Dieu, tu es mon fiancé. Qu’il nous accueille comme il accueillerait deux époux.

Sa douceur le fit pleurer. Elle sécha ses