Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je vous l’impose, répéta-t-il fermement. C’est mon devoir et c’est mon droit.

— Non, fit-elle à demi-voix.

— Mon droit absolu, reprit le capitaine Belval, et cela pour une raison qui prime toutes les autres et qui me dispense même de vous consulter, maman Coralie.

— Laquelle ? dit la jeune femme en le regardant.

— C’est que je vous aime.

Il lui jeta ces mots nettement, non pas comme un amoureux qui risque un aveu timide, mais comme un homme fier du sentiment qu’il éprouve et heureux de le déclarer.

Elle baissa les yeux en rougissant, et il s’écria, d’une voix joyeuse :

— Je ne vous l’envoie pas dire, hein, maman ? Pas de tirades enflammées, pas de soupirs, ni de grands gestes, ni de mains jointes. Non, trois petits mots seulement que je vous adresse sans me mettre à genoux. Et cela m’est d’autant plus facile que vous le saviez. Mais oui, maman Coralie, vous avez beau prendre vos airs farouches, vous savez bien que je vous aime, et vous le savez depuis aussi longtemps que moi. Nous l’avons vu naître ensemble, ce sentiment-là, lorsque vos petites mains adorées touchaient ma tête sanglante. Les autres me torturaient. Vous, c’étaient autant de caresses. Autant de caresses aussi, vos regards de compassion. Autant de caresses, vos larmes qui tombaient parce que je souffrais. Mais, d’abord, est-ce qu’on peut vous voir sans vous aimer ? Vos sept malades de tout à l’heure sont amoureux de vous, maman Coralie. Ya-Bon vous adore. Seulement ce sont de simples soldats. Ils se taisent. Moi, je suis capitaine. Et je parle sans embarras, la tête haute, croyez-le bien.