Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il résistait à son étreinte. Il savait qu’au premier baiser de ces lèvres qui s’offraient il perdrait toute volonté.

— C’est affreux, murmura-t-il… Comment veux-tu que j’accepte ton sacrifice ? Toi, si jeune… avec toutes les années de bonheur qui t’attendent…

— Des années de deuil et de désespoir, si tu n’es plus là…

— Il faut vivre, Coralie. De toute mon âme, je t’en supplie.

— Je ne puis vivre sans toi, Patrice. Tu es ma seule joie. Je n’ai plus d’autre raison d’être que de t’aimer. Tu m’as appris l’amour. Je t’aime…

Oh ! les divines paroles ! Elles résonnaient pour la seconde fois entre les quatre murs de la pièce. Mêmes paroles d’amour prononcées par la fille, et que la mère avait prononcées avec la même passion et la même ardeur d’immolation ! Mêmes paroles que le souvenir de la mort et que la mort imprégnaient d’une émotion doublement sacrée ! Coralie les disait sans effroi. Toute sa peur semblait se perdre dans son amour, et l’amour seul faisait trembler sa voix et troublait ses beaux yeux.

Patrice la contemplait d’un regard exalté. Maintenant il jugeait, lui aussi, que de telles minutes valaient bien de mourir.

Cependant il fit un effort suprême.

— Et si je t’ordonnais de partir, Coralie ?

— C’est-à-dire, murmura-t-elle, si tu m’ordonnais de rejoindre cet homme et de me livrer à lui ? Voilà ce que tu voudrais, Patrice ?

Il frémit sous le choc.