Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’un inconnu, ou des pas dont on changeait la cadence.

Puis, durant quelques minutes, il n’y eut plus rien. Et soudain, un autre bruit s’éleva, et, quoique, au fond d’eux, ils s’attendissent à le percevoir, ils furent, malgré tout, confondus de l’entendre. Et Patrice prononça sourdement, en scandant la phrase inscrite par son père, vingt années auparavant :

— C’est celui que l’on fait quand on creuse la terre avec une pioche.

Oui, ce devait être cela. Quelqu’un creusait la terre, non pas devant la maison, mais sur le côté droit de la cuisine.

Ainsi donc le miracle abominable du drame renouvelé continuait. Là encore le fait d’autrefois se représentait, fait tout simple en lui-même, mais qui devenait sinistre, parce qu’il était un de ceux qui s’étaient produits déjà, et qu’il annonçait et préparait la mort jadis annoncée et préparée.

Une heure s’écoula. La besogne s’achevait avec des répits et des recrudescences. On eût dit un tombeau que l’on creuse. Le fossoyeur n’est pas pressé. Il se repose, puis reprend son travail.

Patrice et Coralie écoutaient debout, l’un près de l’autre, les mains et les yeux mêlés.

— Il s’arrête, dit Patrice tout bas…

— Oui, dit-elle, seulement on dirait…

— Oui, Coralie, on entre dans le vestibule… Ah ! il n’est même pas nécessaire d’écouter… Il n’y a qu’à se souvenir… Tenez… « il se dirige vers la cuisine, et il creuse comme tout à l’heure avec la pio-