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envahit. La chose d’autrefois se répétait. Le drame recommençait dans des conditions identiques. Après la mère et le père, c’étaient la fille et le fils. Comme les amants de jadis, ceux d’aujourd’hui étaient captifs. L’ennemi les tenait sous sa griffe puissante, et sans doute allaient-ils connaître la façon dont leurs parents étaient morts par la façon dont eux-mêmes allaient mourir… 14 avril 1895… 14 avril 1915…



XII.

L’Épouvante

— Ah ! non, non, s’écria Patrice, cela ne sera pas !

Il se rejeta contre les fenêtres et contre les portes, saisit un chenet avec lequel il frappa le bois des battants, ou le mur de moellons. Gestes stériles ! C’étaient les mêmes que son père avait exécutés jadis, et il ne pouvait faire dans le bois des battants ou le moellon des murs que les mêmes éraflures, inefficaces et dérisoires.

— Ah ! maman Coralie, maman Coralie, dit-il en un cri de désespoir, c’est de ma faute. Dans quel abîme vous ai-je entraînée ! Mais c’est de la folie d’avoir voulu lutter seul. Il fallait demander le secours de ceux qui savent, qui ont l’habitude !… Non, j’ai cru que je pourrais… Pardonnez-moi, Coralie.

La jeune femme était tombée sur un fauteuil. Lui, presque à genoux, l’entourait de ses bras et la suppliait.

Elle sourit, pour le calmer, et dit doucement :

— Voyons, mon ami, ne perdons pas courage. Peut-être nous trompons-nous… Car enfin, rien ne prouve que tout cela ne soit pas l’effet d’un hasard.