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— Oui, dit Patrice, nous y trouverons Siméon. Mais, si le cœur vous manque, Coralie, il vaut mieux renoncer.

Une volonté irréfléchie soutenait la jeune femme. Rien n’eût arrêté son élan.

Elle avança.

Quoique grande, la pièce dormait une impression d’intimité par la façon dont elle était meublée. Divans, fauteuils, tapis, tentures, tout concourait à la rendre confortable, et l’on eût dit que l’aspect n’en avait pas changé depuis la mort tragique de ceux qui l’habitaient.

Cet aspect était plutôt celui d’un atelier, à cause d’un vitrage qui occupait le milieu du très haut plafond, à l’endroit du belvédère, et par où le jour descendait. Il y avait bien deux fenêtres, mais des rideaux les masquaient.

— Siméon n’est pas là, dit Patrice.

Coralie ne répondit pas. Elle examinait les choses avec une émotion qui contractait sa figure. C’étaient des livres qui tous remontaient au siècle dernier. Quelques-uns portaient sur leur couverture, jaune ou bleue, une signature au crayon : Coralie. C’étaient des ouvrages de dame inachevés, un canevas de broderie, une tapisserie d’où pendait l’aiguille au bout du brin de laine. Et c’étaient aussi des livres avec la signature : Patrice, et une boîte de cigares, et un sous-main, et des porte-plume, et un encrier. Et c’étaient deux petites photographies dans leurs cadres, celles de deux enfants, Patrice et Coralie.

Et ainsi toute la vie de jadis continuait, non point seulement la vie de deux amoureux qui s’aiment d’un amour violent et passager, mais de deux êtres qui se retrouvent dans le calme et dans la certitude d’une longue existence commune.

— Oh ! maman, maman, chuchota Coralie.