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— Non, non… cela ne se peut pas… il ne se peut pas que j’aie été la femme de celui qui a tué ma mère.

— Vous avez porté son nom, mais vous n’avez jamais été sa femme. Vous le lui avez dit la veille même de sa mort, en ma présence. N’affirmons rien au-delà de ce que nous pouvons affirmer, mais tout de même rappelons-nous qu’il fut votre mauvais génie, et rappelons-nous aussi que Siméon, l’ami et le légataire universel de mon père, l’homme qui acheta le pavillon des deux amants, l’homme qui jura sur la tombe de les venger, rappelons-nous que Siméon, quelques mois après la mort de votre mère, se faisait engager par Essarès comme gardien de sa propriété, devenait son secrétaire et, peu à peu, entrait dans sa vie. Pourquoi ? sinon pour mettre à exécution des projets de vengeance ?

— Il n’y a pas eu vengeance.

— Qu’en savons-nous ? Savons-nous comment est mort Essarès bey ? Certes, ce n’est pas Siméon qui l’a tué, puisque Siméon se trouvait à l’ambulance. Mais peut-être l’a-t-il fait tuer ? Et puis, la vengeance a mille façons de se traduire. Enfin, Siméon obéissait sans doute à des ordres de mon père. Sans doute voulait-il d’abord atteindre un but que mon père et que votre mère s’étaient proposé : l’union de nos destinées, Coralie. Et ce but a dominé sa vie. C’est lui, évidemment, qui plaça parmi mes petits bibelots d’enfant cette moitié d’améthyste dont l’autre moitié formait un grain de votre chapelet. C’est lui qui collectionna nos photographies. C’est lui, enfin, notre ami inconnu, qui m’envoya la clef, accom-