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Telle était l’histoire qu’un jour, dans le beau jardin de Passy, Coralie raconta, et, en ce morne passé qu’ils interrogèrent ensemble, en le confrontant avec celui de Patrice, ni Patrice ni Coralie ne purent découvrir un seul point qui leur fût commun. L’un et l’autre avaient vécu dans des lieux différents. Aucun nom ne les frappait d’un même souvenir. Aucun détail ne pouvait leur faire comprendre pourquoi ils possédaient l’un et l’autre des morceaux de la même boule d’améthyste, pourquoi leurs images réunies se trouvaient enfermées dans le même médaillon, ou collées sur les pages du même album.

— À la rigueur, dit Patrice, on peut expliquer que le médaillon recueilli dans la main d’Essarès avait été arraché par lui à cet inconnu qui veillait sur nous et qu’il a assassiné. Mais l’album, cet album qu’il portait dans une poche cousue d’un sous-vêtement ?…

Ils se turent. Puis Patrice demanda :

— Et Siméon ?

— Siméon a toujours habité ici.

— Même du temps de votre mère ?

— Non, c’est un an ou deux après la mort de ma mère et après mon départ pour Salonique, qu’il a été chargé par Essarès de garder cette propriété et de veiller à son entretien.

— Il était le secrétaire d’Essarès ?

— Je n’ai jamais su son rôle exact. Secrétaire ? Non. Confident ? Non plus. Ils ne conversaient jamais ensemble. Trois ou quatre fois, il est venu nous voir à Salonique. Je me rappelle une de ses visites. J’étais tout enfant, et je l’ai entendu qui parlait à Essarès d’une façon très violente et semblait le menacer.

— De quoi ?