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qu’il faudrait pour débrouiller une pareille affaire, c’est un type exceptionnel et qui réunisse toutes les qualités. Enfin un bonhomme comme on n’en voit pas.

Patrice s’appuya davantage sur le bras de son compagnon.

— Toi qui as de si belles relations, tu n’as pas ça dans ta poche ? Un génie, un demi-dieu !

Ya-Bon grogna de nouveau, d’un air joyeux et dégagea son bras. Il portait toujours sur lui une petite lanterne électrique. Il l’alluma et introduisit la poignée entre ses dents. Puis il sortit de son dolman un morceau de craie.

Le long de la rue il y avait un mur recouvert de plâtre, sali et noirci par le temps. Ya-Bon se planta devant ce mur, et lançant le disque de lumière, il se mit à écrire d’une main inhabile, comme si chacune des lettres lui coûtait un effort démesuré, et comme si l’assemblage de ces lettres était le seul qu’il pût jamais réussir à composer et à retenir. Et de la sorte, il écrivit deux mots que Patrice put lire d’un coup :

Arsène Lupin.

— Arsène Lupin, dit Patrice à mi-voix.

Et le contemplant avec stupeur :

— Tu deviens maboul ? Qu’est-ce que ça veut dire, Arsène Lupin ? Quoi ? tu me proposes Arsène Lupin ?

Ya-Bon fit un signe affirmatif.

— Arsène Lupin ? tu le connais donc ?

— Oui, déclara Ya-Bon.

Patrice se souvint alors que le Sénégalais passait ses journées à l’hôpital à se faire lire par des camarades de bonne volonté toutes les aventures d’Arsène Lupin, et il ricana :