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les paysans, offraient des billets et des titres contre de l’or français, et vidaient les bas de laine. À la guerre, tout cela ferma boutique et vint se grouper auprès d’Essarès bey qui, lui aussi, avait fermé ses bureaux de la rue Lafayette.

— Et alors ?

— Alors, il se passa des incidents que nous ignorons. Sans doute, les complices apprirent-ils par leurs gouvernements que le dernier envoi d’or n’avait pas été effectué, et sans doute devinèrent-ils aussi qu’Essarès bey tentait de garder par-devers lui les trois cents millions récoltés par la bande. Toujours est-il que la lutte commença entre les anciens associés, lutte acharnée, implacable, les uns voulant leur part du gâteau, l’autre résolu à ne rien lâcher et prétendant que les millions étaient partis.

Dans la journée d’hier, cette lutte atteignit son maximum d’intensité. L’après-midi, les complices tentaient de s’emparer de Mme Essarès afin d’avoir un otage dont ils comptaient se servir contre le mari. Le soir… le soir, vous avez vu l’épisode suprême…

— Mais pourquoi, précisément, hier soir ?

— Pour cette raison que les complices avaient tout lieu de croire que les millions allaient disparaître hier soir. Sans connaître les procédés employés par Essarès bey lors de ses derniers envois, ils pensaient que chacun de ces envois, ou plutôt que l’enlèvement des sacs était précédé d’un signal.

— Oui, une pluie d’étincelles, n’est-ce pas ?

— Justement. Il y a dans un coin du jardin d’anciennes serres que surmonte la cheminée qui les chauffait. Cette cheminée encrassée, pleine de suie et de détritus,