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si je ne m’y conforme pas, quelle sera votre conduite ? Deux questions très nettes. Voulez-vous y répondre ?

— Avec autant de netteté que vous me les posez, monsieur.

Il s’approcha du magistrat et prononça :

— Voici, monsieur, le terrain de combat et d’attaque — oui, d’attaque, s’il est nécessaire — que je choisis. Un homme qui m’a connu jadis, qui a connu Mme Essarès tout enfant, et qui nous porte intérêt, un homme qui recueillait nos portraits d’âge en âge, qui avait des raisons secrètes de nous aimer, qui m’a fait tenir la clef de ce jardin et qui se disposait à nous rapprocher l’un de l’autre pour des motifs qu’il nous eût révélés, cet homme a été assassiné au moment où il allait mettre ses plans à exécution. Or, tout me prouve qu’il a été assassiné par M. Essarès. Je suis donc résolu à porter plainte, quelles que doivent être les conséquences de mon acte. Et, croyez-moi, monsieur, ma plainte ne sera pas étouffée. Il y a toujours moyen de se faire entendre… fût-ce en criant la vérité sur les toits.

M. Desmalions se mit à rire.

— Bigre, mon capitaine, comme vous y allez !

— J’y vais selon ma conscience, monsieur, et Mme Essarès me pardonnera, j’en suis sûr. J’agis pour son bien, elle le sait. Elle sait qu’elle est perdue si cette affaire est étouffée et si la justice ne lui prête pas son appui. Elle sait que les ennemis qui la menacent sont implacables. Ils ne reculeront devant rien pour atteindre leur but et pour la supprimer, elle qui leur fait obstacle. Et ce qu’il y a de plus terrible, c’est que ce but semble invisible aux yeux les plus clairvoyants. On joue contre ces ennemis la