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— Justement.

Le capitaine Belval se mit à marcher de long en large, selon son habitude. Il se rappelait maintenant la prédiction d’Essarès :

« On ne m’arrêtera pas… Si l’on m’arrête, on me relâchera… L’affaire sera étouffée… »

Essarès avait vu clair. La justice se taisait. Et comment n’aurait-elle pas trouvé en Coralie une complice de son silence ?

Cette manière d’agir irritait profondément le capitaine. Par le pacte indéniable conclu entre Coralie et M. Desmalions, il soupçonnait celui-ci de circonvenir la jeune femme et de l’amener à sacrifier ses propres intérêts à des considérations étrangères. Pour cela, il fallait tout d’abord se débarrasser de lui, Patrice.

- Oh ! oh ! se dit Patrice, il commence à m’agacer, ce monsieur-là, avec son calme et son ironie. Il a l’air de se ficher de moi dans les grands prix.

Cependant, il se contint et, affectant un désir de conciliation, il revint s’asseoir auprès du magistrat.

— Vous excuserez, monsieur, dit-il, une insistance qui doit vous paraître plutôt indiscrète. Mais, ma conduite ne s’explique pas seulement par la sympathie ou par le sentiment que je puis éprouver pour Mme Essarès, à un moment de sa vie où elle est plus isolée que jamais — sympathie et sentiment qu’elle semble repousser plus encore qu’auparavant, — ma conduite s’explique par l’existence de certains liens mystérieux qui nous unissent l’un à l’autre, et qui remontent à une époque où nos regards n’ont pu pénétrer. Mme Essarès vous a-t-elle mis au courant de ces détails qui, selon moi, ont une importance considérable, et qu’il m’est impossible de ne pas rattacher aux événements qui nous préoccupent ?