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écrivait à sa femme aujourd’hui vers midi, et que nous avons trouvée sur son bureau, inachevée. Mme Essarès m’a prié d’en prendre lecture, et au besoin de vous la communiquer. En voici le texte :

« Aujourd’hui, 4 avril, à midi.
 »  Coralie,

»  Tu as eu tort, hier, d’attribuer mon départ à des raisons inavouables, et peut-être ai-je eu tort de ne pas me défendre suffisamment contre ton accusation. Le seul motif de mon départ, ce sont les haines dont je suis entouré, et dont tu as pu voir la férocité implacable. Devant de tels ennemis, qui cherchent à me dépouiller par tous les moyens possibles, il n’y a pas d’autre salut que la fuite. Je pars donc, mais je te rappelle ma volonté absolue, Coralie. Tu dois me rejoindre à mon premier signal. Si tu ne quittes pas Paris, rien ne pourra te garantir contre une colère légitime, rien, pas même ma mort. J’ai pris, en effet, toutes mes dispositions pour que, dans ce cas… »

— La lettre s’arrête là, dit M. Desmalions en la rendant à Coralie, et nous savons par un indice irrécusable que les dernières lignes ont précédé de peu la mort de M. Essarès, puisque, dans sa chute, il a fait tomber une petite pendulette qui se trouvait sur son bureau, et que cette pendulette marque midi vingt-trois. Je suppose qu’il s’était senti mal à l’aise, qu’il aura voulu se lever, et que, pris de vertige, il s’est écroulé par terre. Malheureusement, la cheminée était proche, un feu violent y flambait, la tête a porté contre la grille, et