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LE RAYON B
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À mon tour j’étais confondu.

— Comment, c’est toi qui l’as sauvé ? Tu as pu aborder, atteindre Velmot dans l’ombre, le frapper au moment où il se retournait vers moi ?… c’est toi qui l’as arrêté au passage ? Et c’est toi qui as délivré Massignac ?…

Je saisis sa petite main d’enfant et l’embrassai avec émotion. La chère créature ! Elle aussi, pour défendre le secret de Noël Dorgeroux, elle avait tout fait, et avec quel courage, quelle audace indomptable ! risquant vingt fois la mort, et ne reculant même pas, à l’heure du grand péril, devant l’acte terrible de frapper !

— Tu me raconteras cela en détail, Bérangère. Continue… Ton père, où l’as-tu conduit ?

— Sur la berge, et, de là, dans une voiture de maraîcher, jusqu’au château de Pré-Bony, où je l’ai soigné.

— Et Velmot ?…

Elle eut un frisson.

— Je ne l’ai pas revu durant des jours et des jours. Je ne l’ai revu que ce matin. Je lisais sur le banc. Il s’est dressé tout à coup. J’ai voulu fuir. Il m’en a empêché et m’a dit :

« — Votre père est mort. Je viens de sa part. Écoutez-moi.

« Je me défiais de lui, mais il a ajouté aussitôt :

« — Je vous jure que je viens de sa part, et la preuve c’est qu’avant de mourir, il m’a confié que vous connaissiez la formule. Il vous l’a révélée pendant sa maladie.

« C’était vrai. Tandis que je le soignais… tenez, dans ce pavillon même… un jour il m’a dit : « Je ne sais trop ce qui arrivera, Bérangère. Il se peut que, par vengeance, je détruise l’écran de Meudon. J’aurai tort. En tout cas, je veux annuler d’avance cet acte de folie. » Il m’a donc fait apprendre la formule par cœur. Et, cela, personne ne pouvait le savoir que mon père et moi, puisque j’étais seule avec lui et que j’ai gardé le secret. Velmot, par conséquent, disait la vérité. Je lui demandai :

« — Et alors ?

« — Sa volonté suprême est que vous me donniez cette formule.

« — Jamais ! m’écriai-je. Vous mentez. Mon père m’a fait jurer de ne jamais la révéler, quoi qu’il arrive, qu’à une seule personne au monde.

« Il haussa les épaules.

« — À Victorien Beaugrand, n’est-ce pas ?

« — Oui.

« — Victorien Beaugrand a entendu les dernières paroles de Massignac. Et il est d’accord avec moi ou, tout au moins, sur le point de se mettre d’accord.

« — Impossible !

« — Demandez-le lui. Il est là-haut, dans les ruines.

« Et, comme je regardais avec inquiétude, il ajouta en riant :

« — Mon Dieu, oui, dans les ruines, attaché au pied d’un arbre. Sa vie dépend de vous. Je vous l’offre contre la formule. Sinon, la mort pour lui.

« Je ne devinai pas le piège. Je partis comme une folle, dans la direction des ruines. C’est ce que Velmot voulait. Les ruines, c’était l’endroit désert, favorable à l’attaque. Elle eut lieu tout de suite, sans qu’il essayât même de dissimuler son mensonge.

« — Tombée dans le panneau, la petite, s’écria-t-il, en me renversant à terre. Ah ! je savais bien que tu viendrais. Pense donc, il s’agit de ton amoureux… de celui que tu aimes… Car tu l’aimes, n’est-ce pas ?

« Il est évident que son seul but était de m’arracher le secret par les menaces, par les coups… Mais il se passa ceci, que sa rage contre vous, et que