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LE RAYON B
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— La voilà… Bérangère !… Vous êtes blessée ?

Je bondis jusqu’à lui, Bérangère était étendue dans un fouillis de plantes et de feuilles.

Elle était si pâle que je ne doutai point qu’elle ne fût morte, et j’eus cette idée très nette que je ne pourrais pas lui survivre. J’achevai même ma pensée en disant à haute voix :

— Je la vengerai d’abord. Le meurtrier mourra de ma main, je le jure.

Mais le comte affirma, après un instant d’examen !

— Elle n’est pas morte, elle respire. Et je la vis qui ouvrait les yeux.

Je me jetai à genoux devant elle, et soulevant entre mes mains sa jolie tête douloureuse, je lui dis :

— Où es-tu blessée, Bérangère ? Réponds, ma chérie.

Elle murmura :

— Je n’ai aucune blessure… C’est la fatigue, l’émotion…

J’insistai.

— Pourtant, il a tiré sur toi…

— Non, non… dit-elle… c’est moi qui ai tiré.

— Est-ce possible ! c’est toi qui as tiré ?

— Oui, avec son revolver…

— Mais tu l’as manqué. Il a pris la fuite…

— Je ne l’ai pas manqué. Je l’ai vu qui tombait… là tout près… au bord du ravin.

Ce ravin était une coupure profonde du sol qui se creusait à notre droite. Le comte se dirigea vers l’emplacement désigné et m’appela.

Quand je fus près de lui, il me montra le corps d’un homme qui gisait en contre-bas, la face couverte de sang. Je m’approchai et reconnus Velmot. Il était mort.

X

La Formule

Velmot mort, Bérangère vivante… Quelle joie je ressentis ! Quelle sécurité soudaine ! Cette fois la mauvaise aventure était finie, puisque celle que j’aimais n’avait plus rien à craindre. Et aussitôt ma pensée remonta vers Noël Dorgeroux : la formule qui résumait le grand secret était sauvegardée. Avec les indications et les éléments d’action que l’on possédait par ailleurs, l’humanité se trouvait maintenant en état de continuer l’œuvre de mon oncle.

Bérangère m’appela :

— Il est mort n’est-ce pas ?

J’eus l’intuition que je ne devais pas lui dire une vérité trop lourde à porter pour elle, et qu’elle redoutait, et je déclarai :

— Mais non… nous ne l’avons pas vu… il se sera échappé…

Ma réponse parut la soulager, et elle murmura :

— En tout cas, il est blessé… je suis sûre de l’avoir atteint.

— Repose-toi, lui dis-je, et ne te tourmente plus de rien, ma chérie.

Elle m’obéit, et elle était si lasse qu’elle ne tarda pas à s’endormir.

Avant de la ramener, le comte et moi nous retournâmes auprès du cadavre et le fîmes glisser sur la pente du ravin que nous suivîmes jusqu’au mur qui entourait le domaine. Comme il y avait une brèche en cet endroit, le comte affirmait que Velmot n’avait pu entrer que par là. En effet, un peu plus loin, au débouché d’une route forestière isolée, nous découvrîmes son automobile. Le corps y fut placé, le revolver déposé sur la banquette, et la voiture conduite à un kilomètre de distance et abandonnée au seuil d’une clairière.