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LE RAYON B
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taire a pu ignorer, après des siècles et des siècles d’efforts, le facteur essentiel de l’équilibre des Mondes, il est permis de croire que les savants de Vénus ont franchi depuis longtemps ce stade inférieur de la connaissance, et qu’ils possèdent des récepteurs photographiques permettant la prise de films avec les rayons de gravitation, et cela suivant des méthodes d’une perfection vraiment admirable. Ils attendaient donc. Penchés sur notre humble planète, sachant tout ce qui s’y passait, témoins de notre impuissance, ils attendaient de pouvoir entrer en communication avec nous par le seul moyen qui leur parût possible. Ils attendaient patients, tenaces, formidablement armés, balayant notre sol avec les faisceaux invisibles des rayons groupés dans leurs projecteurs et dans leurs récepteurs, fouillant et interrogeant les moindres recoins.

« Et un jour la chose merveilleuse eut lieu. Un jour le faisceau des rayons rencontra sur l’écran la couche des substances où pouvait seulement se faire le travail spontané de la décomposition chimique et de la reconstitution immédiate. Ce jour-là, grâce à Noël Dorgeroux, les Vénusiens avaient établi la liaison entre nos deux mondes. Le plus grand fait de l’histoire terrestre s’était produit.

« Nous avons même la preuve que les Vénusiens connurent les premières expériences de Noël Dorgeroux, qu’ils en comprirent l’intérêt, qu’ils s’occupèrent de ses travaux, et qu’ils suivirent les évènements de sa vie, puisque, voilà des années, ils ont recueilli la scène où son fils Dominique fut tué à la guerre. Mais je ne reprendrai pas par le détail chacun des films qui se sont déroulés à Meudon. C’est une étude que tout le monde peut faire maintenant à la lumière de l’hypothèse que je propose. Je demanderai seulement que l’on considère avec attention le procédé par lequel les Vénusiens ont voulu donner à ces films une sorte d’unité. On l’a dit à juste titre : le signe des Trois-Yeux est une marque de fabrique, analogue à la marque de nos grandes maisons de cinéma. Marque de fabrique où s’affirment également, de la manière la plus frappante, les ressources extra-humaines des Vénusiens, puisque ces Trois-Yeux, sans rapport aucun avec nos yeux d’homme, les Vénusiens parviennent à leur donner l’expression de nos yeux, bien plus, l’expression des yeux de celui qui sera le personnage principal du film.

« Mais pourquoi le choix de cette marque ? Pourquoi des yeux, et au nombre de trois ? Est-il nécessaire, au point où nous en sommes, de faire une réponse à cette question ? La réponse, les Vénusiens ne l’ont-ils pas faite eux-mêmes en nous adressant ce film, en apparence absurde, où des Formes vivaient certainement, devant nous, selon les lignes et les principes de la vie Vénusienne ? N’est-ce pas une vue prise chez eux et sur eux dont nous fûmes les spectateurs ahuris ? N’est-ce pas, en opposition avec la mort de Louis XVI, un épisode représentant le supplice de quelque grand personnage que les bourreaux déchirent de leurs trois tentacules et dont ils coupent l’espèce de tête amorphe ornée de trois yeux ? Trois Mains… Trois Yeux ! Oserai-je, avec cette donnée fragile, aller au delà de ce que nous avons vu, et dire que le Vénusien possède la symétrie totale du triangle, comme l’homme, avec ses deux yeux, ses deux oreilles et ses deux bras, possède la symétrie binaire ? Essaierai-je d’expliquer son mode d’avancer par gonflements successifs, et de se diriger verticalement le long des rues verticales, dans des villes bâties en hauteur ? Aurai-je l’audace d’écrire, comme je le crois, qu’il est pourvu d’organes lui assurant le sens magnétique, le sens de l’espace, le sens électrique, etc., organes disposés par trois ? Non, Ce sont là des précisions que les savants de Vénus nous offriront le jour où il leur plaira d’entrer en correspondance avec nous.

« Et, qu’on en soit persuadé, ils n’y manqueront pas. Tout leur effort vers nous depuis des siècles tend à cela. « Causons », nous diront-ils bientôt ; comme