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LE RAYON B
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minutes, tu boiras un coup à ton tour. Surtout n’oublie pas que tu peux m’appeler. Je tends l’oreille, vieux camarade.

tu envisages nettement la situation, n’est-ce pas ? la corde à laquelle tu es accroché, comme un bœuf à l’étal, est retenue par deux simples nœuds

La lune s’était voilée de nuages, sans doute fort épais, car la rive devenait si obscure que je discernais à peine la silhouette de Velmot. Au fond, j’étais persuadé que l’implacable lutte se terminerait par quelque transaction, et que Velmot céderait ou que Massignac parlerait. Cependant, les minutes passaient, dix, quinze peut-être, qui me semblèrent interminable. Velmot fumait paisiblement, et Massignac bégayait de petites plaintes et n’appelait pas. Cinq minutes encore. Soudain Velmot se leva, furieux.

— Il ne s’agit pas de gémir, bougre d’idiot. J’en ai assez de poireauter. Veux-tu parler ? Non ? Crève donc, charogne.

Et je l’entendis qui grinçait entre ses dents :

— Je m’accorderai peut-être mieux avec l’autre

Que voulait-il dire ainsi ? L’autre, était-ce moi ? De fait, il s’en alla vers la gauche, c’est-à-dire vers la partie de la façade où se trouvait l’entrée.

Il y eut un cri. Puis je n’entendis plus rien de ce côté.

Que c’était-il donc passé ? Dans l’ombre, Velmot avait-il rencontré le mur ou quelque volet ouvert ? De mon poste, je ne pouvais pas le voir. La table, la chaise, se dessinaient dans l’ombre. Au-delà, c’étaient les ténèbres où montait la plainte affaiblie de Massignac.

— Velmot arrive, me disais-je… Encore quelques secondes, et il sera ici…

Le motif de sa venue vers moi, je ne le comprenais pas plus que le motif de mon enlèvement. Croyait-il que je connaissais la formule, et que, si je n’avais pas dénoncé Massignac, c’était par suite d’un accord entre Massignac et moi ?