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JE SAIS TOUT

Je dus m’arrêter là, les lignes suivantes échappant à mon regard. N’en saurai-je pas plus long ? Velmot, s’était levé et se promenait sur la terrasse. Après une courte disparition, il revint avec un flacon de liqueur dont il avala coup sur coup deux verres. Puis, ayant déplié le journal, il se mit à lire le mémoire, ou plutôt à le relire, car je ne doutais point qu’il n’en eût déjà connaissance.

Sa chaise était tout contre ma persienne. Il s’y tenait renversé, le journal entre les mains, de sorte que je pus voir, non pas la fin de l’article préliminaire, mais le mémoire lui-même qu’il lisait assez lentement.

Cependant la lumière du jour diminuait, tombée d’un ciel où les nuages devaient cacher le soleil, et je lus en même temps que Velmot :

Lettre ouverte à l’Académie des Sciences.

« Je vous demande, messieurs, de ne considérer ce mémoire que comme une introduction, aussi brève que possible, à l’étude plus importante que je veux écrire, et aux études innombrables qu’il provoquera dans tous les pays et auxquelles il servira de très modeste préface.

« Je le rédige en hâte, au hasard de la plume, dans la fièvre de l’improvisation. Vous y trouverez des lacunes et des faiblesses que je n’essaie pas de dissimuler, et qui sont motivées par le nombre si réduit des observations que nous avons pu effectuer à Meudon, et par la résistance obstinée que M. Théodore Massignac oppose à toute demande d’information supplémentaire. Mais l’émotion considérable que soulèvent les visions miraculeuses me fait un devoir d’apporter les résultats, encore que très incomplets, d’une étude à laquelle j’ai l’ambition légitime de réserver un droit de priorité. J’espère ainsi, en canalisant les hypothèses, aider à l’établissement de la vérité et à l’apaisement des esprits.

« Mon effort a commencé dès les premières révélations de M. Victorien Beaugrand. J’ai recueilli toutes ses paroles. J’ai analysé toutes ses impressions. Je me suis emparé de tout ce qu’avait dit Noël Dorgeroux. J’ai repris le détail de toutes ses expériences. Et de tout cela, de tout cela bien pesé et bien examiné, il est résulté que je ne suis pas venu à la première séance de Meudon les mains dans mes poches, en amateur de sensations et en curieux de mystère, mais que j’y suis venu avec un plan mûrement réfléchi, et avec quelques instruments de travail, choisis à dessein, et dissimulés sous mes vêtements et sous ceux de quelques-uns de mes amis qui ont bien voulu me prêter leur concours.

« Tout d’abord, un appareil photographique. Ce fut difficile. M. Théodore Massignac se défiait et interdisait l’introduction du moindre kodak. Je réussis cependant. Il le fallait. Il fallait donner une réponse définitive à une première question, qui pourrait être dite question préjudicielle. Les apparitions de Meudon sont-elles dues à des suggestions individuelles ou collectives, n’ayant aucune réalité en dehors de ceux qui les éprouvent ? Ou bien ont-elles une cause réelle et extérieure ? Cette réponse, on peut, certes, la déduire de l’identité absolue des impressions reçues par tous les assistants. Mais j’apporte aujourd’hui une preuve directe et que j’estime irréfragable. La chambre photographique n’est pas un cerveau où l’image peut se créer elle-même, où l’hallucination se forme avec des matériaux internes. C’est un témoin qui ne ment pas et qui ne trompe pas. Or, ce témoin a parlé. La plaque sensible atteste la réalité des phénomènes. Je tiens à la disposition de l’Académie sept clichés ainsi obtenus par photographie instantanée de l’écran, au nombre desquels deux, qui représentent l’incendie de la cathédrale de Reims, sont d’une netteté remarquable.

« Donc, un point acquis : l’écran est le siège d’une émission lumineuse.

« En même temps que j’acquérais les preuves de cette émission, je la soumettais aux moyens d’investigation que la physique met à notre disposition.