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LE FORMIDABLE ÉVÉNEMENT
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saugrenu. Rolleston, chef alcoolique d’une peuplade de sauvages, tuait pour tuer, parce que c’est une volupté qu’on ne peut s’offrir dans la vie quotidienne, et la vue du sang le grisait plus encore que le champagne.


« à fond de cale, avec les autres ! » commanda une voix éraillée.
« à fond de cale, avec les autres ! » commanda une voix éraillée.
« à fond de cale, avec les autres ! » commanda une voix éraillée.

« Au tour du Français ! s’écria le despote en éclatant de rire. Au tour de M. Dubosc ! Et c’est moi qui m’en charge ! »

Il redescendit de son trône et vint se planter devant Simon, un couteau rouge à la main.

« Ah ! monsieur Dubosc, lui dit-il d’une voix sourde, vous m’avez échappé une première fois, à l’hôtel de Hastings ! Oui, il paraît que c’est un autre que j’ai frappé. Tant mieux pour vous ! Mais alors, cher monsieur, pourquoi diable, au lieu de vous faire oublier, courez-vous après moi, et après miss Bakefield ? »

Au nom de la jeune fille, il s’enflamma d’une fureur soudaine :

« Miss Bakefield ! Ma fiancée ! vous ne savez donc pas que je l’aime ? Miss Bakefield ! Mais j’ai juré sur l’enfer que j’enfoncerais mon couteau dans le dos de mon rival, s’il osait s’en présenter un. Et c’est vous, monsieur Dubosc ? Mais, mon pauvre garçon, il ne fallait pas être assez bête pour vous faire pincer ! »

Une joie cruelle illuminait son regard. Il leva lentement le bras tout en épiant dans les yeux de Simon l’angoisse de la mort. Mais le moment n’était pas encore venu, car il arrêta net le geste commencé, et il bredouilla :

« Une idée… une idée qui n’est pas mauvaise du tout… oui, pas mauvaise du tout. Voilà… Il faut que monsieur Dubosc assiste à la petite cérémonie. Ça lui fera plaisir de savoir que le sort de sa chère Isabel est assuré. Patience, monsieur Dubosc ! »

Il s’entretint avec ses gardes, lesquels manifestèrent une vive approbation, aussitôt récompensée par quelques verres de champagne. Puis, les préparatifs commencèrent. Trois gardes s’éloignèrent du côté de l’avant, tandis que les autres acolytes asseyaient les cadavres en rond, de manière à former une galerie de spectateurs autour d’une petite table qui fut placée sur l’estrade.

Simon fit partie de la galerie. On lui avait remis son bâillon.

Tous ces incidents se déroulaient comme les scènes d’un spectacle incohérent, réglé et joué par des fous. Cela n’avait pas plus de sens que les visions baroques d’un cauchemar, et Simon n’éprouvait guère plus d’effroi à se sentir menacé qu’il n’eût éprouvé de joie à se sentir délivré. Il vivait dans l’irréel et dans la fantasmagorie.

La garde d’honneur s’aligna et porta les armes. Rolleston retira son diadème comme