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L’HOMME DE MARLY

l’éveil aux bandits avant de découvrir le but de leur promenade sylvestre. Ils n’étaient plus guidés que par le bruit amorti des pas, et l’odeur ténue de la cigarette que fumait toujours l’un des hommes…

Tout à coup, on n’entendit plus le bruit des pas, on ne sentit plus l’odeur du tabac. Delbot s’arrêta, perplexe. Le vent très léger avait-il tourné, ou bien les poursuivants avaient-ils, sans s’en apercevoir, dépassé leur gibier ?

Delbot, craignant d’être vu, du geste immobilise ses hommes, puis il s’oriente, cherche des yeux… Enfin, à travers le rideau feuillu des branches, il aperçoit dans une petite clairière deux silhouettes face à face. Et voici qu’elles s’agitent. On entend des mots prononcés violemment, presque des clameurs. Une des silhouettes lève le bras, l’autre riposte. Pas de doute possible, les deux bandits se battent. Ils s’étreignent, roulent sur le sol. Alors Delbot se précipite tout en lançant un coup de sifflet strident.

À dix pas des deux combattants, il s’arrête, le revolver braqué. « Plus un geste ou je tire. » Les autres ne semblent pas l’entendre. Leur lutte touche à sa fin, l’un d’eux a pris le dessus. Il tient l’autre sous lui. Son bras droit se lève, l’éclair blanc d’une lame luit et frappe.

Delbot, alors, tire un coup de feu en l’air. Le vainqueur se redresse et détale. Un second coup de feu tiré par le policier le manque et casse un arbrisseau. L’homme disparaît dans l’ombre du bois.

— Courez après ! attrapez-le ! tenez-le solidement ! crie Delbot à Andermatt et aux deux autres policiers qui arrivent en courant et s’élancent derrière le fugitif.

Delbot se penche sur le blessé. Celui-ci, livide, défaillant, tient encore une cigarette au coin des lèvres. C’est bien Julot le Trône.

— Cherche pas à faire des blagues, hein ! lui dit durement Romain Delbot. Tu es pris, tiens-toi peinard. Alors, il a voulu te tuer, ton poteau ? Pourquoi ça ? Mais d’abord, voyons où tu en es ? Comment te sens-tu ?

Le blessé, dans une farouche résolution, détourna la tête.

— Je me sens à merveille, gémit-il. Laissez-moi tranquille, hein ! Cette histoire-là ne vous regarde pas.