Page:Leblanc - Le Scandale du gazon bleu, 1936.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
LE SCANDALE DU GAZON BLEU

ne savent pas notre doute, ils ne le sauront jamais. Ils croient que nous ne nous sommes pas quittés d’une seconde en cette heure immonde, qui a mérité le châtiment que nous infligent nos angoisses, nos remords, nos souffrances. Oui, ce châtiment intime est mérité, mais l’autre châtiment, celui d’une déchéance publique, d’une flétrissure sociale, nous ne le méritons pas… Et de toute façon nous ne le subirons pas.

Elle avait parlé à voix basse et lente, mais avec fermeté, avec résolution, avec orgueil. Et Patrice la regarde, il la comprend courageuse, forte, invincible. Quoi qu’il arrive, elle est prête à tout… à la mort même. Et soudain le voile d’égoïsme qui lui cachait la réalité depuis cette nuit maudite se déchire, il oublie ce qu’il a pu souffrir pour songer à ce qu’a pu souffrir Dominique. Il oublie le moment de faiblesse qu’elle a eu peut-être, pour se rappeler seulement ses torts à lui. Il murmure :

— Je te demande pardon, Dominique. Il n’y a qu’un coupable, c’est moi. Je me suis laissé entraîner comme un enfant, comme un impulsif. Non seulement, je n’ai pas su me défendre contre cette ivresse inexcusable, mais je n’ai pas su te défendre, toi, contre les autres, contre toi-même. C’est cela qui est ma vraie honte. Tout est de ma faute. Je te demande pardon.

Il courbait la tête. Dominique ne répondit pas. Aucun signe extérieur ne décelait son émotion, sauf ses yeux qui étaient un peu mouillés.