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IX

Les douze bouteilles

En lisant ce nom qui était celui de l’homme qu’il redoutait le plus au monde, — lui, Patrice Martyl, redouter un policier ! — la stupeur et l’émotion de l’avocat furent telles, qu’obéissant à sa première impulsion, il répondit :

— Dites à ce monsieur que je suis souffrant et que je ne puis le recevoir ce matin.

Mais aussitôt il se reprit : il fallait en finir, ne pas ajouter un surcroît d’angoisses au tourment constant qui opprimait sa vie :

— Après tout, non, je vais le voir. Où est-il ?

— Dans l’antichambre, monsieur.

— Dites-lui que je vais le recevoir dans quelques instants. Qu’il m’attende.

Le domestique sortit.

Seul, Patrice se dirigea vers son bureau, il ouvrit un des tiroirs, en sortit un revolver qu’il vérifia : l’arme était chargée. Il ouvrit le cran de sûreté, replaça le revolver dans le tiroir. Tout allait bien, il avait le moyen de se libérer. Si la visite de Romain Delbot se révélait dangereuse, Patrice se ferait sauter la cervelle. Sa décision était prise et il en éprouvait une sorte de soulagement détaché.

Mais il se reprit, réfléchit. Que pouvait savoir le policier ? Rien, en vérité… Oui, mais dans ce cas pourquoi venait-il ?

Patrice était maintenant prêt à la lutte, il se sentait vigoureux,