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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

Elle pousse un cri, le repousse, se dégage, hagarde, horrifiée.

Patrice s’enfuit.

Jusqu’au soir, jusque très avant dans la nuit, sans songer à se reposer, sans songer à dîner, il erra par les rues, il ne sut jamais la direction suivie.

Ce cri… ce cri, c’est celui qu’il a déjà entendu une fois… oui, sur la pelouse en pente, dans la lumière des lampes bleues. Ce geste de dément, ce geste d’assassin qu’il vient d’ébaucher, c’est le geste qu’il a accompli déjà, sans doute possible, sur la Pierreuse ! C’est lui l’assassin de cette femme, comme il a failli être l’assassin de Dominique. C’est lui la bête humaine qui, dans le spasme, tue. C’est lui le fou sadique qui s’assouvit en devenant meurtrier ! C’est lui ! C’est lui ! Il n’en doute plus maintenant.

Vers l’aube enfin, il se retrouve au quai de Passy sans savoir comment. Il rentre furtivement, il se couche. Quelques heures hideuses : insomnie, cauchemars, terreur éperdue faisant vaciller sa raison. Au matin, épuisé, il s’endort pour quelques moments d’un sommeil accablé.

Soudain, il se dresse. La réalité impitoyable le ressaisit, il saute en bas de son lit. Huit heures sonnent, il faut reprendre l’existence quotidienne.

Dans la salle de bains, il s’asperge longuement d’eau froide et comme, ayant achevé sa toilette, il entre dans son cabinet de travail, le valet de chambre paraît, apportant une enveloppe fermée.

— Ce monsieur désirerait parler à monsieur.

Patrice, avec la prescience d’une catastrophe, déchire l’enveloppe. Elle contient une carte de visite :

Brigadier Romain Delbot
de la Police Judiciaire