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Le scandale du gazon bleu


I

Griserie

Le crépuscule du calme soir de juin noyait d’ombre le Bois. Les taillis étaient déjà obscurs. Une lueur indécise traînait encore dans la trouée des routes. Avec ses lumières vives et amorties, le linge blanc de ses tables, les cuivres de son orchestre, le restaurant élégant semblait une oasis de clarté et de musique dans la nuit qui s’établissait. Là-bas, si proche et si loin à la fois, Paris.

Très belle dans sa souple robe du soir laissant nue la ligne sculpturale des bras, des épaules, de la naissance de la gorge où l’éclat des perles en triple rang luisait sur l’éclat de la peau mate, Dominique, assise à une table contre la haie de clôture écoutait vaguement l’orchestre, regardait vaguement le Bois investi d’ombre. Puis elle eut un petit geste gracieux pour repousser l’onde d’une mèche noire qui empiétait sur son front poli, et ses grands yeux sombres se tournèrent vers son mari, assis en face d’elle. Son regard s’appuya, regard d’amour confiant, tendre, passionné, plus ardent et plus conscient après quatre années d’une union sans nuages ; un sourire passa sur son visage, entr’ouvrit sur les dents éclatantes ses lèvres rouges à peine touchées par le fard, rendit magiquement sa beauté (un peu grave au repos) étonnamment