Page:Leblanc - Le Scandale du gazon bleu, 1936.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LE SCANDALE DU GAZON BLEU

chaque fois que nous pouvons danser nues en plein air, nous ne résistons pas.

— Oui. Mais on vient vous voir. On paye pour cela.

— Qu’importe qu’on paye ou non ? Cela ne nous regarde pas. C’est une admiration anonyme et nous l’aimons. Elle double notre joie.

— Il y a les music-hall, les bals spéciaux.

— Cela, jamais ! Jamais ! C’est de la prostitution !

Elle semblait surexcitée, avec une nuance d’exaltation. Manifestement, ce qu’elle disait, elle l’éprouvait profondément. Patrice la contemplait étonné, admiratif. Son séduisant visage n’indiquait vraiment aucune perversité, n’évoquait rien de vicieux, rien d’équivoque. Tout en elle exprimait la délicatesse, l’élégance, la race même… Et ce corps… ce corps svelte et charmant qu’il connaissait si bien, dont il possédait peut-être le secret voluptueux !

Et soudain, il eut l’impression que, s’il prenait cette femme dans ses bras, que s’il la renversait pour chercher ses lèvres, pour l’étreinte amoureuse, il saurait si cette Isabella attirante était ou non sa partenaire d’un soir d’ivresse. Et déjà, à cette évocation de l’étreinte, à cette curiosité sexuelle, le désir se mêlait impérieux.

Patrice retient l’ébauche du geste dangereux. Déjà il est maître de lui. Il s’incline, cérémonieux, avocat devant sa cliente, et dit professionnellement :

— Je reste entièrement à votre disposition, madame, et vous souhaite bonne chance.

Elle partit sans rien soupçonner…

Deux heures plus tard Isabella se présentait dans les locaux de la Police Judiciaire. Elle s’y était décidée brusquement, après son entrevue avec Patrice. C’était pour elle le seul moyen de se rapprocher de Fancy, de secourir celle-ci, de la soustraire aux dures inquisitions des interrogatoires… et de partager, puisqu’il le fallait, son sort.

Amenée devant le brigadier Delbot, elle lui répéta les déclarations mêmes qu’elle avait faites à Patrice Martyl.