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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

ennuis à cause de nos danses libres, nous ne répondrions pas, nous en avons pris la décision nouvelle et plus fermement encore après la danse du Gazon Bleu. Nous ne savons rien, nous ne pouvons rien dire.

Elle fit une pause et ajouta :

— Vous approuvez cela, n’est-ce pas ? C’est bien votre avis ? Moi, si j’étais arrêtée, je devrais me taire ?

Patrice ne répondit pas immédiatement. Il semblait réfléchir au meilleur conseil à donner à celle qui le consultait. En réalité il souffrait cruellement et se débattait entre des sentiments contradictoires. Si les deux danseuses persistaient dans le silence qu’elles avaient résolu de garder, c’était presque sûrement pour lui, pour Dominique, le salut… Mais son devoir professionnel, son devoir d’avocat à qui l’on vient demander un avis qui fera loi, ne l’obligeait-il pas à se refuser à farder en aucune façon la vérité ?…

Il déclara enfin d’une voix lente et calme :

— Voici presque sûrement ce qui va se produire : que votre amie parie ou non, la Police établira un rapport qu’elle transmettra au Juge d’Instruction. Sans aucun doute, le Juge, après examen des faits, mettra l’inculpée sous mandat de dépôt.

— Donc, en prison… Fancy en prison !… murmura Isabella.

Et elle frissonna de nouveau, atterrée, désolée.

— Oui, en prison, dit Patrice.

— Et plus tard, la Cour d’Assises… la condamnation…

Patrice se redressa et avec force :

— Non ! Je suis sûr que non ! On ne peut formuler contre elle aucune accusation précise, on ne peut lui reprocher rien qui soit réellement répréhensible au point de vue criminel. Quand le Juge d’Instruction se rendra compte qu’il ne peut pas prouver votre participation à l’une et à l’autre, au crime, il rendra un non-lieu.

Isabella respira profondément.

— Vous m’affirmez cela, demanda-t-elle, en plongeant ses beaux yeux dans les yeux de Patrice.

Il répondit à ce regard par un regard assuré.

— J’affirme que c’est ma conviction absolue.

Isabella continua :