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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

menu, la soirée du dimanche, leur rencontre avec la Pierreuse et Julot, le diner, les danses, la panne de l’auto, puis l’arrivée d’une autre auto contenant quatre personnes.

— Vous pourriez fournir sur celles-ci une indication quelconque ? dit Patrice, dissimulant son inquiétude.

— Pas la moindre. Mon amie et moi nous étions grisées par le champagne apporté par ces inconnus et surtout par notre dernière danse sur la pelouse. En plus, malgré les lampes bleues, il faisait très sombre. Je sais seulement qu’il y avait trois hommes jeunes et élégants, et puis une femme très belle, a dit la Pierreuse. Tous quatre, autant que je crois, étaient comme nous en état de demi-ivresse. Ils avaient du champagne dans leur voiture et nous en ont offert. On a bu, on a dansé avec eux. La Pierreuse nous entraînait. Elle semblait folle. Nous avons tous perdu la tête.

— Jusqu’à quel point ? demanda Patrice à mi-voix.

Elle ne rougit pas et son silence avoua.

Patrice reprit, cherchant ses mots :

— La Police prétend que vous et votre amie êtes coutumières de ces sortes de… parties.

Sans baisser les yeux, Isabella répliqua :

— Coutumières, c’est trop dire. Mais ce n’est pas la première fois… Ma chère Fancy est une enfant, curieuse de tout… Et parfois j’ai la faiblesse de consentir…

— Pourriez-vous préciser, (quelle angoisse pour lui en posant cette question !) pourriez-vous préciser ce que fut le rôle de la Pierreuse ?

— Non.

— Cependant… vous conserviez une certaine lucidité ?

— Aucune ; sans quoi il est évident que je n’aurais pas agi ainsi. En ce qui me concerne moi-même, je ne sais pas exactement ce qui s’est passé. Il y a eu un homme, voilà tout.

Elle avait dit ces mots tranquillement, en quelque sorte avec dignité. Il était évident qu’elle était de ces femmes pour qui l’acte de se livrer physiquement n’a d’autre importance que le plaisir qu’elles en peuvent tirer.

Patrice répondit simplement, en insistant :