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DARLING

— Oui.

— L’Écho de France ?

— Oui.

— Et, dans l’Écho de France, l’article de ce reporter qui put assister, hier, à l’arrestation d’une des danseuses qu’on appelle les deux Colombes, l’Anglaise Fancy.

— Oui.

— Je suis l’autre danseuse… Isabella !

Elle avait prononcé ces mots avec simplicité, sans rougir, sans embarras.

Patrice avait fermé les yeux un instant. Depuis le début de l’entretien, il se tenait sur ses gardes, s’attendant, sans raison précise, à une révélation de ce genre. Il réfléchit rapidement. Cette femme était l’une des danseuses de l’autre nuit ! Quand il parvenait à écarter l’idée de la Pierreuse, dans les moments où la conviction s’imposait à lui qu’il n’avait pas eu dans les bras sa propre femme, il se heurtait à la vision des deux danseuses nues. Si Antoine avait tenu dans ses bras cette Fancy dont ce mot « darling » semblait à la fois le chuchotement d’amour et la plainte douloureuse, alors, sa maîtresse d’un moment, à lui, Patrice, avait été cette autre femme qui s’appelait Isabella. Mais alors, que savait-elle de lui ? Pourquoi était-elle ici ?

Il le lui demanda :

— Puis-je savoir, madame, le motif de votre visite ?

— Le désir de me renseigner auprès de vous.

— De vous renseigner ?… Sur quoi ?…

— Sur ce qui menace actuellement mon amie. Cet hiver, le hasard nous a fait entendre à toutes deux votre plaidoirie en faveur de Germaine Pons. Nous pleurions toutes les deux. Ce matin, dans l’affreux désarroi où je suis, je me suis tout à coup souvenu de cela. J’ai pensé que vous voudriez bien me conseiller.

Il y eut un moment de silence, et Patrice déclara :

— Certes, madame. Je n’ai aucun motif pour vous refuser mon appui. Êtes-vous prête à me dire l’exacte et complète vérité ?

— Oui, scrupuleusement.

Et elle parla sans restrictions, sans ambages. Elle raconta par le