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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

ne pouvait secouer la double hantise qui l’obsédait : jalousie et honte de ce qui s’était passé, — crainte révoltée des conséquences.

Un matin, qui était le lendemain du jour où le brigadier Delbot s’était livré à la chasse aux Colombes, dans le cabinet de travail de Patrice Martyl, une demi-douzaine de personnes avaient défilé, introduites par son secrétaire, quand ce dernier annonça à l’avocat qu’une dame seule se trouvait encore dans le salon ; une dame qui n’avait pas de rendez-vous et qui attendait patiemment depuis plus d’une heure.

— Eh bien, faites-la entrer, dit Patrice.

Le secrétaire obéit, puis se retira.

Patrice indiqua un siège à la visiteuse inconnue. C’était une femme de vingt-six à vingt-sept ans, vêtue simplement mais avec une sûre élégance, d’un tailleur gris foncé de coupe parfaite. Tout en elle indiquait la femme aux habitudes raffinées, aux goûts délicats. Le visage charmant, et qui devait habituellement sourire à la joie de vivre, était assombri par une expression réfléchie, grave, soucieuse même et nuancée de tristesse.

Elle resta un moment silencieuse.

— Je vous écoute, madame, dit Patrice.

— Toutes les paroles prononcées ici restent entièrement secrètes, n’est-ce pas, monsieur ?

— Naturellement, je suis avocat.

Patrice, qui avait entendu bien des confessions hasardeuses, savait, pour les provoquer, garder un silence attentif.

Après une hésitation, elle se décida :

— Vous êtes nécessairement au courant de ce qu’on appelle le « meurtre du Gazon Bleu » ?

Il dut faire un effort pour ne pas tressaillir visiblement, pour ne pas se trahir. Il répondit avec indifférence :

— Certes… par habitude professionnelle, je me tiens au courant des affaires de ce genre. Je lis les journaux…

— Vous avez lu ceux d’aujourd’hui ?