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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

de région plus accidentée, plus cachée et en même temps plus proche que le petit bois de Saint-Cucufa. Il offre certains coins aussi peu accessibles que l’âpre forêt de Marly. Il est impossible encore de l’aborder autrement que de biais et pour ainsi dire par raccroc, en quittant la route de Garches à Bougival pour descendre, par de mauvais chemins escarpés, jusqu’aux bords d’un petit étang d’aspect mystérieux et romantique. On ne peut s’en aller que par la pente tortueuse et caillouteuse qu’on nomme le Longboyau, et qui dégringole vers La Malmaison.

L’auto des policiers dépassa un certain nombre de gens qui s’en allaient à pied dans la même direction, seuls ou par couples ainsi que des promeneurs. Ils avaient l’aspect de petits bourgeois venant des pays voisins, modestes rentiers, commerçants, industriels. Parmi eux, quelques artistes.

Delbot, parvenu au bord du petit lac, laissa son auto. Puis, en compagnie de Havard, se dirigea vers la pente de Longboyau. Tous deux descendirent quelques centaines de mètres. Enfin, à l’angle de la pente et d’un sentier, ils virent une barrière peinte en vert, donnant accès à un enclos coupé vers la moitié par une vieille maison basse et longue. À la barrière, un homme mûr, à demi campagnard, à demi citadin, se tenait, l’air furtif, et assez inquiet, pour recevoir les visiteurs qui, un à un, présentaient leur carton et payaient la redevance de vingt-cinq francs.

On traversait la première moitié de l’enclos, on contournait la maison et l’on se trouvait devant un verger où des bancs et des chaises étaient disposés. Une soixantaine de personnes étaient déjà assises. En dehors de l’enclos et par-dessus la clôture, des resquilleurs, soucieux de voir sans payer, s’étaient massés sur des élévations de terrain. Parmi eux, au premier rang, le chauffeur de l’auto de la Préfecture.

Cinq heures sonnaient quand Delbot et son compagnon arrivèrent et furent introduits sans difficulté par le cerbère posté à la barrière. Tous deux parvenus au verger ne purent trouver place côte à côte. Avant de se séparer, Delbot murmura à Havard :

— Attention, hein ! Rince-toi l’œil si tu veux, mais à mon coup de sifflet, on se précipite et on saute dessus ! Compris ?