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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

vrir et d’identifier à bref délai, mais d’ores et déjà, vous avez dû le voir, la Pierreuse, elle, est identifiée. Elle fréquente les bals musette, les guinguettes et les dancings de basse catégorie à l’Ouest de Paris et là on l’appelle « La Pierreuse » ; à l’Est de Paris, dans le bois de Vincennes, sur les bords de la Marne surtout, où elle paraît en canotière, on la connaît sous le surnom de Fifi la Gosse.

— C’est la police qui dit cela, remarqua Richard en haussant lui aussi les épaules avec un détachement mal joué. Les journaux reproduisent naturellement les suppositions les plus variées.

— Il ne s’agit pas des journaux. Ce qu’ils disent est sans grande importance. Mais tout à l’heure, en sortant du Palais, je suis entré à la Préfecture, j’ai parlé à Le Bruel, un des secrétaires, qui est de mes amis. Voici les nouvelles sûres qu’il m’a données : la femme morte, Fifi la Gosse, ou si vous préférez la Pierreuse, s’appelle de son vrai nom Joséphine Arnoult. C’est une prostituée, prête à toutes les prostitutions, proxénète aussi à l’occasion, rabatteuse de mineures ; en outre, elle est recherchée par la Police depuis quelques semaines pour recel, complicité de vols, de cambriolages ; elle a été mêlée à des bagarres ayant entraîné mort d’homme.

— Complice de qui ? demanda Antoine.

— Complice de qui ? d’un sieur Marcelin, dit Julot ; c’est un repris de justice des plus dangereux. Il est fortement suspecté d’être l’assassin non encore arrêté des époux Delamarre, à Saint-Mandé. Julot, nous le connaissons, n’est-ce pas ? Eh bien, Antoine, supposons que l’on mette la main sur les deux danseuses et que l’on arrête Julot ?

Antoine eut un geste d’indifférence.

— Eh bien quoi, que risquons-nous ? Aucun des trois ne nous connaît, ni les danseuses, ni Julot. Ils n’ont pas le moindre renseignement sur nous, nous sommes pour eux des passants anonymes. Et d’ailleurs, en mettant tout au pire, même s’ils nous connaissaient, pourquoi diable parleraient-ils ?

Patrice eut un mouvement d’impatience.

— Alors, tu t’imagines que la Police ne saura pas les forcer à parler ?

— Pour dire quoi ?