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L’ENQUÊTE SUR LA PELOUSE

mais constante qu’il avait de la justice, la déclaration suivante :

— Toute la journée d’hier j’ai eu beaucoup de monde et les clients se sont succédé chez moi. Au moment du coup de feu, un peu avant sept heures, j’ai remarqué l’arrivée de cette femme. Je la connaissais de vue, elle était déjà venue deux ou trois fois. Hier elle amenait un type jeune, une trentaine d’années, l’air d’un mécano, rougeaud de figure, les cheveux blond ardent. D’abord, en prenant l’apéritif, ils sont restés dans la salle de mon auberge et ils ont dansé. Puis, ils ont dîné dehors à la première table, là-bas.

— Est-ce qu’ils paraissaient en bons termes ensemble ? demanda le commissaire de police.

— Oh, oui, très copains. Ils blaguaient tout le temps, la femme appelait le type Julot et lui l’appelait la Pierreuse. En dinant ils ont fait connaissance avec deux dames qui mangeaient à la table voisine. Des dames très bien, très chic, minces, l’air distingué et en même temps à la coule, dessalées enfin. Les dames ont blagué avec eux et finalement leur ont offert le champagne et ont payé les quatre dîners. La Pierreuse ne tenait pas en place, elle avait tout d’une excitée. À chaque moment elle se levait pour embrasser les deux dames sur la bouche et leur peloter la gorge. Les autres riaient et se laissaient faire.

— Vous avez une clientèle aux mœurs libres, remarqua sèchement le juge d’instruction, personnage maigre à l’aspect bilieux et vertueux.

— Oh, c’est le genre de l’établissement qui veut ça, ça ne tire pas à conséquence.

— Continuez.

— Le soir, comme d’habitude quand il fait beau, et surtout le samedi et le dimanche, on a dansé et on a fait des numéros sur la pelouse. Les deux dames ont dansé plusieurs fois, soit ensemble, soit séparément sous la lumière bleue, elles avaient ôté leurs robes dans un fourré et été prendre dans leur voiture de grandes écharpes de gaze lamées, dont elles s’enveloppaient pour danser et sous lesquelles elles étaient quasi nues. Après quoi, elles ont retrouvé les deux autres, la Pierreuse et Julot, et tous quatre ont encore bu une bouteille de champagne qu’un de mes garçons, Amédée, — il sera