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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

cadavre. Non ! le stratagème serait trop aisément découvert et quelles conséquences fâcheuses n’en découleraient pas pour son auteur ? Qui sait si on ne l’accuserait pas lui-même de ce crime ? Enfin, et surtout, une considération qui venait soudainement de se préciser à l’esprit du judicieux Dorlodoux, l’incitait à laisser toutes choses en l’état et à prévenir sans retard la police : le crime ferait du bruit, beaucoup de bruit, susciterait des enquêtes de journaux, soulèverait une curiosité et un intérêt énormes : quel merveilleux coup de publicité gratuite pour le Gazon Bleu ! Publicité malsaine sans doute et scandaleuse… mais cela correspondait si bien au genre de succès que cherchait Dorlodoux dont la morale était élastique et qui professait cette théorie : réussir d’abord… et par n’importe quel moyen.

Dorlodoux revint en hâte à l’auberge, raconta à sa femme et à son personnel la macabre découverte qu’il venait de faire, défendit qu’on touchât au corps et même qu’on s’en approchât : « Faut pas brouiller les empreintes », décréta-t-il avec importance. Prenant un drap il en recouvrit soigneusement la morte. Et à sept heures il téléphona au commissaire de police de Maisons-Laffitte.

Le commissaire, prévenu chez lui, arriva avec ses agents une demi-heure plus tard au Gazon Bleu. Après un premier coup d’œil sur le théâtre du meurtre il fit barrer le chemin étroit où se voyaient parmi des traces de roues à demi effacées, les traces plus fraîches laissées par deux autos.

Le commissaire ensuite alerta les différents services et dans la matinée arrivèrent sur les lieux du drame, le Procureur de la République, le juge d’instruction, le médecin légiste, des gendarmes et des inspecteurs de la brigade mobile.

Il fut procédé d’abord à l’examen du cadavre que personne n’avait touché et que l’on débarrassa du drap qui le recouvrait.

Après un bref examen, que l’autopsie pratiquée ensuite devait confirmer, le médecin légiste constata que la femme avait dû mourir presque subitement à la suite d’un coup violent ou d’une pression brutale qui lui avait brisé le larynx.

Interrogé, Dorlodoux, entouré de son personnel qui approuvait ses dires, fit, avec une importance, mitigée par la crainte dissimulée