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II

Le vertige

Devant cette vision inattendue, étrange, d’un charme poétique et sensuel, et qui semblait le rêve magique d’un monde enchanté, Antoine et Richard, étonnés d’abord, tout de suite attirés, sautèrent de voiture, approchèrent, muets, fascinés.

Mais de la petite auto en panne en travers de la route, un homme surgit tout à coup, un homme jeune, robuste, vêtu en mécano. Il portait une lanterne qui éclairait sa face large, au sourire gouailleur, sa tête nue, ses cheveux roux ébouriffés.

— Pardon, excuse, dit-il, avec un accent traînant de faubourien de Paris, nous avons une panne d’essence. Vous auriez pas un bidon ? C’est pour les deux demoiselles qui dansent… C’est des demoiselles distinguées, elles régleront, sûr et certain…

— Mon vieux, comme chargement rien que des bouteilles de champagne, dit Antoine.

— Du champagne ! Mince alors ! On en débouche, hein ?

Patrice Martyl avait mis pied à terre lui aussi, non sans quelque difficulté car, ainsi que ses deux amis, il n’était pas très solide sur ses jambes.

— De l’essence, il y en a un bidon dans le coffre, dit-il en désignant sa voiture.

Et ainsi que Antoine et Richard, il fit quelques pas dans la direction des danseuses nues.